Bombarder Gibraltar (2/2)

 De nouvelles représailles contre Gibraltar

"Quand on attaque l'empire, l'empire contre-attaque !"

Du 23 septembre au 26 septembre 1940, britanniques et français libres tentent de rallier l'Afrique occidentale française (AOF), à Dakar. Après l'échec des pourparlers, l'affaire tourne à l'affrontement naval entre anciens alliés. Après des missions de couverture, à partir du 24 septembre 1940, les Glenn Martin stationnés sur place sont envoyés bombarder la flotte britannique ; le lendemain, elle se retire. Les défenseurs de Dakar ont réussi à abattre huit Fairey Swordfish, deux Blackburn Skua et un Supermarine Walrus, pour la perte d'un Curtis H-75, un Loire 130... ainsi que deux M. 167-F irréparables. Les combats ont fait 100 morts parmi les militaires et 84 dans la population civile.

Comme l'indiquera le bureau d'études juridiques et de documentation générale du ministère de l'Intérieur : "L'affaire de Dakar s'est achevée à la confusion des agresseurs et à l'honneur des défenseurs de la ville qui ont donné, à tous les territoires de souveraineté française, le plus bel exemple d'agissante fidélité". Mais cette nouvelle attaque de l'ancien allié et la tentative de sédition des "gaullistes" ont rapidement échaudé le gouvernement de l'État français.

 

Rendre les coups !

Dès le 23 septembre 1940, l’aviation française stationnée en Afrique du nord (AFN) est mise en état d'alerte. Comme cette partie de l'empire reste alors en dehors de toute agitation, on en profite donc pour monter une "grosse" opération de représailles contre Gibraltar... conformément à l'instruction n°414 2/05 du 31 août 1940 !

Le 24 septembre 1940 en début d'après-midi, 64 bombardiers de l'armée de l'Air et de l'Aéronautique navale sont donc envoyés contre la base navale britannique. Ils sont escortés par 36 chasseurs, pour parer à toute interception. Près de 41 tonnes de bombes sont largués sur l'arsenal et le môle sud. Le 25 septembre 1940, l'armada est plus conséquente, avec 83 bombardiers engagés. Cette fois, ils ne sont pas escortés de chasseurs car cette précaution s'est avérée inutile la veille. 56 tonnes de bombes sont larguées sur le port.

Si la DCA britannique réagit "mollement" contre la première expédition, elle réussi à abattre un appareil du GB II/23 le lendemain ; l'adjudant-chef Louis Chuzeville, le lieutenant André Cour, le sergent Roger Robineau et le sergent-chef Romain Roque sont tués. 12 autres appareils sont endommagés au cours de ces deux opérations.


Le Douglas DB-7 est le principal bombardier engagé par l'armée de l'Air au-dessus de Gibraltar.


Quels résultats ?

Lors du premier raid, de source officielle, un gros bateau a été touché dans le port et un grand nombre de fumées ont été observées ; mais il semble, en réalité, qu'une majorité des projectiles aient atteint... la mer. Concernant le second, notre source officielle indique que l'arsenal, les installations du port et un bâtiment ont été atteints ; même si l'efficacité a été meilleure, beaucoup de bombes ont encore fini à la mer ou sur la ville, tuant environ 44 personnes.

Les bombardiers français ont donc singulièrement manqué de précision. Selon Patrick Facon, c'est particulièrement vrai pour ceux de l'armée de l'Air, alors que leurs collègues marins ont été plus "appliqués" (impliqués ?). De là naîtra l'accusation que les aviateurs français ont cherché sciemment à ne pas porter atteinte à l'ancien allié. Plus prosaïquement, il semble que le manque de précision doivent être mis sur le compte d'un manque d'entraînement des équipages.

 

Conséquences :

Les raids sur Gibraltar dépassent déjà le cadre de la stricte neutralité voulue par le gouvernement du maréchal Pétain. Selon Robert Paxton, dès le 22 septembre, ce dernier avait avoué à un industriel allemand qu'il n'était pas contre de lancer des opérations contre l'Angleterre s'il en avait les moyens.  Cependant, les réactions musclées contre les "agressions" britanniques sont davantage vues comme une sorte de garantie en vue des futures négociation de paix.

Malgré leurs faibles résultats, Allemands et Italiens se montreront favorablement impressionnés par ces actions. Ils accordent un renforcement des forces aériennes en AOF et permettent le maintien de celle basées en AFN. Il y a également un infléchissement des Allemands à l'égard des Français : certains songent alors à associer la France dans la lutte contre le Royaume-Unis, dans l'optique de combats en Méditerranée. De façon plus prosaïque, il parait évident qu'un empire colonial français défendu par des forces françaises est la meilleure des solutions pour l'Axe.

Ainsi s'ouvre une ère trouble pour notre pays. Une partie va s'engager dans une politique de collaboration avec les ennemis d'hier, tandis qu'une autre continue la lutte aux côtés de l'allié britannique. Cette situation va aboutir à des combats fratricides, d'abord au Gabon, puis ensuite en Syrie... et jusqu'à l'épuration suivant la libération du pays.


Romain Lebourg
Administrateur de la Section Air du Collectif France 40
Membre de France 40 reconstitution et Normandie-Bretagne reconstitution
Auteur du Blog de l'aviation de reconnaissance et d'observation

 

Uniforme :

 L'uniforme de l'armée de l'Air d'armistice est le même que celui l'armée de l'Air durant la campagne de France. Certains aviateurs arborent toutefois la Croix de guerre, à présent. La seule différence provient de la coiffe de casquette : en Afrique, elle est blanche.

 La casquette d'adjudant ici présente est un modèle d'après-guerre. La coiffe a été obtenue à partir d'une coiffe de la Marine Nationale qui a été retaillée et dont les pressions ont été ôtées. L'insigne en cannetille est une reproduction.

 La coiffe blanche est portée avec la tenue de toile (blanche ou kaki clair) et la tenue en drap.

 

Sources :
  • Ministère de l'Intérieur, Bureau d'études juridiques et de documentation générale, Informations générales n°5 du 1er octobre 1940
  • Ehrengardt Christian-Jacques et Shores Christopher, L'avaition de Vichy au combat : les campagnes oubliées 3 juillets 1940 - 27 novembre 1942, éd. Lavauzelle, 1985
  • Facon Patrick, L'histoire de l'Armée de l'air : une jeunesse tumultueuse (1880-1945), coll. Docavia n°50, éd Larivière, 2004
  • Gréciet Vincent, Combats fratricides en Afrique : Mers-el-Kébir, Dakar, les premiers ps des FAFL en Afrique, Batailles Aériennes n°26, octobre-novembre-décembre 2003
  • Paxton Robert, La France de Vichy : 1940-1944, coll. Histoire, éd. Points, 1999
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