Vol vers Arras

Vol vers Arras

C’est la traduction littérale du titre original de Pilote de guerre, lorsqu’il fut publié aux États-Unis. Cette œuvre s’inspire notamment d’une mission qu’Antoine de Saint-Exupéry a réalisée le 23 mai 1940.


Un contexte particulier :

Ce jour-là, l’état-major français avait prévu une grande offensive pour « couper le doigt de gant » formé par l’avance des divisions blindés allemandes en France. Le plan mettait en jeu à la fois les troupes du Groupe d’armées n°1 depuis le nord et d’autres, repliées derrière la Somme depuis le Sud. Les détails de l’opération furent exposés le 21 mai u Général Gaston Billotte. Mais ce dernier fut tué dans un accident de la circulation en rentrant de la réunion ! et il fallut trois jours pour le remplacer.

Entre temps, les alliés agirent de manière désordonnée et sans se concerter. Le 21 mai, les britanniques attaquèrent, pratiquement seuls, à Arras ; ils furent repoussés. Le lendemain, c’est nous qui attaquions, seuls et avec des forces dérisoires, à Cambrai ; nous y étions tenus en échec par la seule aviation allemande ! Le 23, jour où devait commencer l’offensive, Lord Gort décidai de replier ses forces vers les ports du nord pour évacuer vers l’Angleterre : les britanniques quittaient leurs postions à Arras.

L’opération prévu le 23 fut repoussées au 24. En attendant, nous avions toujours besoin de situer nos lignes car les communications avec le groupe d’armées n°1 étaient rompues ! Le 22 mai, deux Potez envoyés en vol rasant sur le secteur n’étaient pas rentrés !


Une mission à hauts risques :

Une préparation minutieuse :

En tant que groupe de reconnaissance de la Zone d’Opération Aérienne Nord, le GR II/33 fut donc sollicité pour mener à bien cette mission cruciale. Objectif : reconnaître nos lignes entre Arras et Douai. C’est donc un Bloch MB-174 qui fut choisi. Cet avion était ce que la reconnaissance française avait de plus moderne et de plus performant. Cette fois, il n’était plus question de vol rasant, mais d’une mission à 1 500 m. Le vol s’avérant périlleux, on décida de lui fournir une escorte ! Il fallu force persuasion pour l’obtenir !

Puis que l’on envoyait un appareil dernier cri, l’escorte devait être à la hauteur : c’est donc un groupe de Dewoitine D.520 qui s’en chargea. Ainsi, dans la matinée, le Groupe de chasse I/3 reçut l’ordre d’assurer cette escorte. Le commandant Henri Alias, patron du II/33, se rendit à Meaux – Esbly pour régler les détails du vol avec son homologue, le commandant Pierre Thibaudet. L’appareil de reconnaissance, quitta Orly en début d’après-midi pour rejoindre Meaux et son escorte ; l’équipage ignorait tout de la mission impartie aux chasseurs.

Dewoitine D.520 de la 1re escadrille du GC I/3, celle-là même qui escorta le Bloch


Les Allemands ne sont pas les seuls ennemis :

Malgré un plafond à 1 000 m et un temps orageux, les six appareils décollèrent à partir de 14 h. Dans le Bloch, le capitaine Antoine de Saint-Exupéry était aux commandes. Dans le nez vitré de l’appareil, officiait le lieutenant d’Infanterie Jean Dutertre. La défense du secteur arrière était assurée par le sergent André Mot. Quant aux Dewoitine, ils étaient cinq : une patrouille légère en protection rapprochée et une patrouille simple en couverture, 500 m plus haut.

Carte récapitulant le trajet de la mission de l'équipage de Saint-Exupéry et le plan Weygand


Le bimoteur et ses anges gardiens survolèrent la campagne française, étagés entre 1 000 et 1 500 m d’altitude. Le Bloch était un bimoteur rapide et il semble que la patrouille haute ait eu du mal à suivre. alerté par son mitrailleur, le pilote dû réduire les gaz pour leur permettre de recoller. La météo se dégradait. Compiègne fut passée, entre deux grains. Puis ce fut Rosières-en-Santerre et Bray-sur-Somme ; la formation perdait de plus en plus d’altitude à mesure que le ciel s’assombrissait. Quelques coups de DCA la saluèrent au passage des lignes. Les six appareils poursuivirent ensemble le vol au-dessus d’Albert, puis vers Arras, volant de plus en plus bas, jusqu’à 300 m de hauteur. Là, Un orage sépara la formation. Les chasseurs restèrent sur place et patrouillèrent le secteur, dans l’espoir d’y attirer la chasse allemande. Le Bloch poursuivit sa route, perdant encore 100 m de hauteur.

Le travail commence :

Arras était en feu et présentait un visage apocalyptique ; les colonnes de fumée noires formaient autant de piliers sur lesquels venait se poser le tympan des cumulo-nimbus. Aux lueurs rougeoyantes des incendies répondaient les flashs aveuglants des éclairs. L’observateur devait continuer à se concentrer pour poursuivre les observations visuelles : à cette altitude il était impossible d’utiliser l’appareil photographique et, à plus de 400 km/h, on n’avait qu’une fraction de seconde pour repérer les éléments intéressants et les situer. Des chars du XV. Armeekorps furent identifiés au sud-ouest d’Arras, en pleine attaque.

Même pas le temps de prévenir le pilote du danger ! La Flak se mit immédiatement à tonner, comme si on venait de violer sont intimité. Un obus fin siffler la fin de partie. Il éclata sous le fuselage, ses éclats balafrèrent la tôle d’aluminium du Bloch et crevèrent un réservoir d’huile ! Le Bloch 174 gagna donc la sécurité des nuages, échappant ainsi au regard des servants de DCA allemands et à celui des chasseurs. Faisant le point sur les dégâts avec son pilote, Jean Dutertre décida de rentrer. La mission était terminée, ce n’était pas cette fois qu’on irait jusqu’à Douai.

Malgré ses blessures, l’oiseau parvint à regagner le nid.


Les chasseurs malmenés :

Quant aux Dewoitine, ils eurent également une mauvaise surprise. La patrouille haute, qui volait au-dessus des nuages perdit la patrouille basse de vue. Après avoir tourné en vain, le Lt Gaston Lacombe décida de faire rentrer sa patrouille avant la panne sèche.

En bas, l’histoire fut plus dramatique ! Trois Messerschmitt Bf 109 de la 1./JG 51 attaquèrent le Dewoitine du capitaine Jean Schneider. Malheureusement, sa radio étant en panne, il ne put prévenir son chef de patrouille. Rapidement, son appareil fut en flamme et le pilote français dut l’évacuer. C’est à ce moment-là que le capitaine Joël Pape compris qu’on les attaquait. Aux trois monomoteurs qu’il avait repérés, se joignirent ceux qui avait attaqué son ailier. À un contre six, il tenta de résister le plus longtemps possible pour, espérait-il, permettre au Bloch d’échapper aux chasseurs allemands. Il finit par tomber à Carency où il fut capturé.

Quant au capitaine Jean Schneider, son parachute s’accrocha à une maison et il manqua d’être molesté par une foule en colère ! mais il échappa finalement aux coups… puis à la capture.


La tenue présentée :




 La tenue présentée est celle d'un adjudant mitrailleur ou radiotélégraphiste en avion.

Il porte une vareuse et un pantalon en drap de couleur Bleu-Louise. L'uniforme  la même coupe que celui des officiers. Comme beaucoup d'adjudant, sa vareuse ferme grâce à cinq boutons et non quatre : il s'agit parfois de "l'ancienne" de tenue sous-officier, regalonnée mais pas toujours.
Cette vareuse est inspirée celle portée par l'Adj André Carrier du GC I/3.

Étant en tenue de travail, notre homme porte un linge bleu, comme la troupe et les sergents(-chefs), et un béret à la place de sa casquette Mle 1929. Ce dernier aurait dû recevoir une marque grade, mais elle n'est pas toujours observé.

(Photographie prise durant le confinement)
 

Insigne métallique porté par les sous-officiers mitrailleurs ou radiotélégraphistes en avion.

Créé en 1916, il n'est plus utilisé depuis la fin de la seconde guerre mondiale car remplacé par d'autres modèles.

 

Romain Lebourg
Administrateur de la Section Air du Collectif France 40
Membre de France 40 reconstitution et Normandie-Bretagne reconstitution
Auteur du Blog de l'aviation de reconnaissance et d'observation


Sources :

  • Extraits des journaux de marche et d'opération des GC I/3 et GR II/33, Icare n°78, automne 1976
  • Extrait du cahier d'ordre et d'opération du GR II/33, Icare n°78, automne 1976
  • Cornwell Peter, The battle of France then and now, éd. After the battle, 2007
  • Denis Éric, 1940 la Wehrmacht de Fall Gelb, éd. Économica, 2017
  • Dutretre Jean, Sur Arras, Icare n°78, automne 1976
  • Frieser Karl-Heinz, Le mythe de la guerre-éclair : la campagne de l’Ouest de 1940, Belin, 2003
  • Moulin Jacques, Le Bloch 174 et ses dérivés, coll. Profils avions n°10, éd. Lela Presse, 2006
  • Pape Joël, Protection : 5 avions, Icare n°78, automne 1976
  • Philippe Bernard, GC I/3 Les rois du Dewoitine 520, Avions HS n°14, 2004
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